Parce que rien jamais ne m’a donné la chair de poule autant que ça.
Au début, on ne sait pas tellement ou on va. Ce qui compte, c’est de se lancer, et petit à petit on découvre son chemin, et qui l’on est, et ce qui nous rends unique. Et c’est cela que nous pourrons offrir de plus beau, de plus généreux et de plus vrai.
Cela demande d’abandonner sur le chemin tout ce que nous aurions aimé être mais ne sommes pas, de trouver le vrai, l’alignement, la cohérence – rien à voir avec l’équilibre, car comme la plupart des artistes, je ne suis pas une personne particulièrement équilibrée, et je dois faire avec -, de travailler à créer notre route et notre propre technique avec courage. Et comme dirait Bette Davis « It ain’t no place for sissies ». ( « Ce n’est pas un endroit pour les couards »).
Une chose est sûre, il y a des éléments que je retrouve invariablement chez tous les artistes que j’aime.
- La tension : l’importance des choses. La sensation que c’est essentiel pour la personne qui joue ou qui chante de le faire, et que ça la dépasse, au sens ou, ce n’est pas pour épater qui que ce soit, ni quoi que ce soit de cette nature. C’est toujours un défi, car les choses les plus importantes pour nous le sont, forcément. Ma formation de comédienne, et les personnes avec qui j’ai eu la chance de travailler dans ce domaine, m’ont appris qu’au théâtre ( je ne parle pas du théâtre de boulevard, qui n’est pas mon domaine et sur lequel je préfère laisser la parole à des personnes plus légitimes que moi pour en parler) rien ne doit être anecdotique. Si un personnage dit à un autre « tu pourras m’acheter des cigarettes ? », c’est bien plus que cela. Si il suffisait d’ailleurs de réciter des phrases sur un ton « naturel » et sans qu’il n’y ait rien de plus d’ajouté que ce qui est écrit, ce ne serait d’ailleurs pas d’un grand intérêt. Alors imaginons un peu « tu pourras m’acheter des cigarettes ? » : cela peut-être le début d’une relation, une première chose que l’on demande à quelqu’un après une belle nuit ou cela peut-être la dernière, en sachant que l’autre ne reviendra pas, pour prendre les extrêmes. Quand je parle de tension, je parle d’enjeu. Sans enjeu, pas de théâtre, et je dirais, pour parler de la musique qui me parle et m’intéresse, pas de musique.
L’enjeu n’a rien d’intellectuel. Bien au contraire, il est raw (« raw power » !), direct, il va a l’essentiel. Et il est tourné vers l’extérieur. Une énergie qui part des tripes et qui va vers le public. Si la tension est centrée sur soi même, quelque chose ne marche pas. Ce qui m’amène au deuxième point :
- La générosité : et c’est là ou je parlais du courage notamment. Car autant pendant le travail de création, de répétition, de mise en place et de compréhension des techniques qui nous appartiennent, l’introspection peut être utile – sous réserve de ne pas y trouver des prétextes divers pour ne pas se lancer -, autant au moment du partage avec le public, que ce soit sur scène ou sur album, il faut savoir, et c’est un processus si étrange qu’il est difficile a expliquer, savoir s’extraire de soi-même pour être soi, dans toute son intégrité.
C’est d’ailleurs ces moments de grâce qui permettent à certains de trouver ou de retrouver leur place quelque part sur cette planète. ( Sur le sujet je vous conseille le documentaire « You’re gonna miss me »…)
- un sens personnel de la mélodie et du rythme. Si vous essayez de reprendre des morceaux d’autres artistes, vous verrez que certains nous sont tout de suite naturels, et d’autres demandent beaucoup plus d’adaptation. Pour certains chanteurs par exemple, le chant démarre le plus souvent sur tel ou tel temps. Soit c’est comme vous, instinctivement, soit c’est l’endroit ou ils démarrent ou vous auriez placé votre respiration…Tout peut se travailler, et on peut toujours trouver moyen de faire une version qui nous corresponde, mais je remarque qu’en ce qui me concerne, j’ai toujours aimé les artistes qui sont un peu « a cheval », « en flottement », « en équilibre » sur les temps. Les couplets qui dépassent, les choses pas trop carrées que ce soit par un aspect ou un autre, cet espace ou je trouve ma liberté et le point suivant absolument essentiel pour moi :
- le plaisir, l’extase, la transe : sans plaisir, ou est l’intérêt ? Que soit pour l’artiste ou pour le public, qui reçoit ce que l’artiste donne, si il n’y a pas une forme d’extase – qui peut être de toute nature, des plus sombres aux plus lumineuses -, de transe quand on fait ce qu’on fait, au pire, ce sera pénible au mieux ce sera « de l’épate », du « bien fait ». Je conçois qu’on puisse aimer ça, mais personnellement, ça ne m’intéresse pas, ça ne ma captive pas, et ça ne me laisse pas d’impression durable, même si sur le coup, je ferais peut-être « waow ! » impressionnée par la virtuosité. Et puis une bière plus tard, j’aurai oublié…Les seuls virtuoses qui m’épatent pour de vrai, et il y en à, c’est ceux qui sont uniques, et aucun singe savant au monde ne me mettra des étoiles dans les yeux plus de cinq minutes. Par contre, quelqu’un qui vit l’intensité du moment, avec tension, enjeu, générosité et extase…là…c’est « the real thing ». Rien à voir avec les conneries qu’on entends souvent en France « la grâce on l’a ou on l’a pas » et autres bullshit. Ca c’est des raisonnements de paresseux et de bourges au pire sens du terme.
Je ne pense absolument pas qu’il soit nécessaire de jouer ou de chanter « parfaitement » pour être artiste – je viens du punk…come as you are et on verra en faisant- , par contre, je suis sûre, en ce qui concerne ce qui m’intéresse, qu’il faut être vrai. Et qu’une personne vraie, peu importe sa nature, saura trouver un chemin paré de fleurs et d’or et le faire voir aux autres, fussent-ils des milliers ou quelques uns.
How magic is that ?
Love, Peace & Rock’n’Roll.
France de Griessen