Delphine Ghosarossian voyage en photographiant, se projetant à travers ses modèles comme autant d'auto-portraits.
Cette portraitiste aime créer dans son studio une atmosphère propice à la spontanéité et au lâcher-prise, et faire entrer les artistes dans sa lumière...
J’aime infiniment la musique, elle fait partie de ma vie, elle m’accompagne chaque jour. Faire des portraits de musiciens a toujours été une évidence car cela me permet d allier mes deux passions le rock et la photo. C’est une vraie chance car cela me permet de rencontrer de nombreux musiciens que j admire. Il y a quelques années je travaillais régulierement pour le magazine Vox Pop avec Samuel Kirszenbaum et Mathieu Zazzo. A chaque fois que le service photo m’appelait, c’était la joie car je savais que j’allais partir rencontrer un artiste passionnant. Grâce à eux, j’ai pu rencontrer pleins d'artistes merveilleux : Lescop, Edwyn Collins, Mike Skinner, Stephen Malkmus… Aujourd'hui, je travaille souvent avec le blog Chronique Musicale / Dr Groov’, ce qui est très plaisant car je peux proposer à la rédaction des artistes que j’aime et ils me font aussi découvrir pleins de groupes indépendants super pointus, c’est très intéressant et un vrai luxe.
Je suis devenue portraitiste car j’aime les rencontres, les gens. Ce que j’aime c’est de les faire entrer dans mon univers. J’ai un petit studio portable avec un fond et de la lumière. Je l'amène ici ou là au fil des rencontres et des commandes. Mes séances photos sont toujours très rapides car j aime la spontanéité, le lâché prise. C’est un petit challenge personnel : réussir à amener les gens dans mon univers en quelques minutes. Il est évident pour moi qu'il s’agit d'auto-portrait sans reflet, même si je me cache derrière mon objectif, je voyage à travers mon modèle. Je suis à la fois une veille dame, un rockeur, un enfant… Je me projette complètement dans mon modèle.
Principalement sa sensibilité, son regard. Dans ma série "Peaux-d’Ames", mes images sont frontales et sans fard. Chaque rencontre est un rendez-vous. Il s’agit d’un dialogue, d’un face-à-face entre différentes cultures, visages et peaux. Les personnes sont emprisonnées dans un cadrage très serré, le regard est direct. Leur peau, telle une géologie du visage, est une plage, une dune dans laquelle je me perds. Les rides sont des collines, des lignes sans fin, les yeux, des fleuves, remplis d’expérience, d’espoirs et d’attentes. Dans mon travail, je désire mettre en avant la peau du modèle, la transpercer métaphoriquement afin que leur chair–âme envahisse et se propage à l’aune de l’image. La peau est vraiment un reflet de notre intériorité, de notre sensibilité. C’est cela que j’essaye de donner à voir quand je photographie un artiste. Après la gêne, m’émeut aussi beaucoup. Par exemple, lorsque je photographie un homme âgé et influant, qui lorsqu'il se retrouve face un objectif, dans une grande timidité, une gêne. Cela me touche énormément et me donne envie de le photographier, de creuser cette faille.
La prise de vue est vraiment un moment agréable car c'est une rencontre, une alchimie où tout est possible, le meilleur comme le pire ! Mais, j’aime aussi beaucoup la post-production. Vu que je travaille en argentique, le développement est toujours un moment magique. Je travaille actuellement sur un projet de livre « Faces » qui réunira mes principaux portraits de musiciens. L’éditing est aussi une partie qui m intéresse énormément, cela me permet de me remettre en question et d avoir une nouvelle vision sur mon travail de portraitiste.
T'arrives t'il parfois d'improviser lors des séances ? Quels sont d'après toi les éléments qu'il faut maitriser pour que le fait d'improviser donne des résultats intéressants ?
Je dirai que c’est de l improvisation contrôlée car j’aime provoquer les choses. Par exemple, il y a quelques années j’ai eu la chance de photographier Philippe Katerine. Je savais que mon ami graphiste Michael, aka Le Grand Garçon, l’aimait beaucoup, du coup je lui ai proposé de m assister sur la séance. Michael est un graphiste très talentueux. C’était l’époque de la chanson "La banane. Avant la séance, pour rigoler, on avait récupéré une banane et on s’était dit qu'on verrait ce qu'on en ferait une fois sur place, sans trop de conviction. Mais au final, on a fait avec Katerine une image en hommage à Warhol et au Velvet Underground. L’ image est argentique mais la banane est colorisée numériquement par Michael. J aime beaucoup cette image car c est la première fois que la couleur s ‘est introduite dans mes portraits noir et blanc. Je maitrise pleinement ma lumière, ce qui me permet d improviser sur les attitudes, les cadrages…
Le site de Delphine Ghosarossian : www.delphineghosarossian.com
www.drgroov.com
www.legrandgarcon.com
www.voxpopmag.com