LAND OF ENCHANTMENT - Blog de France de Griessen
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Les "portraits-voyages" de Delphine Ghosarossian

12/11/2017

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"Je suis à la fois une veille dame, un rockeur, un enfant…" dit-elle. 
Delphine Ghosarossian voyage en photographiant, se projetant à travers ses modèles comme autant d'auto-portraits.
Cette portraitiste aime créer dans son studio une atmosphère propice à la spontanéité et au lâcher-prise, et faire entrer les artistes dans sa lumière... 
Photographier des musicien(ne)s constitue une partie importante de ton travail de photographe. Pourquoi aimes-tu les photographier en particulier ?

J’aime infiniment la musique, elle fait partie de ma vie, elle m’accompagne chaque jour. Faire des portraits de musiciens a toujours été une évidence car cela me permet d allier mes deux passions le rock et la photo. C’est une vraie chance car cela me permet de rencontrer de nombreux musiciens que j admire. Il y a quelques années je travaillais régulierement pour le magazine Vox Pop avec Samuel Kirszenbaum et Mathieu Zazzo. A chaque fois que le service photo m’appelait, c’était la joie car je savais que j’allais partir rencontrer un artiste passionnant. Grâce à eux, j’ai pu rencontrer pleins d'artistes merveilleux : Lescop, Edwyn Collins, Mike Skinner, Stephen Malkmus… Aujourd'hui, je travaille  souvent avec le blog Chronique Musicale / Dr Groov’, ce qui est très plaisant car je peux proposer à la rédaction des artistes que j’aime et ils me font aussi découvrir pleins de groupes indépendants super pointus, c’est très intéressant et un vrai luxe.
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Dominique A 
Pour toi, photographier un(e) artiste, est-ce restituer avec le plus de fidélité possible sa personnalité, révéler des choses  - que même peut-être il ou elle ignore -, ou encore te projeter dans ce portrait, comme une sorte "d'auto-portrait en faisant le portrait des autres" ? Ou encore tout autre chose ?

Je suis devenue portraitiste car j’aime les rencontres, les gens. Ce que j’aime c’est de les faire entrer dans mon univers. J’ai un petit studio portable avec un fond et de la lumière. Je l'amène ici ou là au fil des rencontres et des commandes. Mes séances photos sont toujours très rapides car j aime la spontanéité, le lâché prise. C’est un petit challenge personnel : réussir à amener les gens dans mon univers en quelques minutes. Il est évident pour moi qu'il s’agit d'auto-portrait sans reflet, même si je me cache derrière mon objectif, je voyage à travers mon modèle. Je suis à la fois une veille dame, un rockeur, un enfant… Je me projette complètement dans mon modèle. 
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Alberto Garcia Alix
En dehors des travaux de commande, qu'est-ce qui te touche chez un(e) artiste, te donne envie de le/la photographier ?

Principalement sa sensibilité, son regard. Dans ma série "Peaux-d’Ames", mes images sont frontales et sans fard. Chaque rencontre est un rendez-vous. Il s’agit d’un dialogue, d’un face-à-face entre différentes cultures, visages et peaux. Les personnes sont emprisonnées dans un cadrage très serré, le regard est direct. Leur peau, telle une géologie du visage, est une plage, une dune dans laquelle je me perds. Les rides sont des collines, des lignes sans fin, les yeux, des fleuves, remplis d’expérience, d’espoirs et d’attentes. Dans mon travail, je désire mettre en avant la peau du modèle, la transpercer métaphoriquement afin que leur chair–âme envahisse et se propage à l’aune de l’image. La peau est vraiment un reflet de notre intériorité, de notre sensibilité. C’est cela que j’essaye de donner à voir quand je photographie un artiste. Après la gêne, m’émeut aussi beaucoup. Par exemple, lorsque je photographie un homme âgé et influant, qui lorsqu'il se retrouve face un objectif, dans une grande timidité, une gêne. Cela me touche énormément et me donne envie de le photographier, de creuser cette faille.
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Rover
Quelle partie du travail te rend le plus heureuse ? La séance photo elle-même ou le moment où ta photo est prête à être publiée ou exposée ?

La prise de vue est vraiment un moment agréable car c'est une rencontre, une alchimie où tout est possible, le meilleur comme le pire ! Mais, j’aime aussi beaucoup la post-production. Vu que je travaille en argentique, le développement est toujours un moment magique. Je travaille actuellement sur un projet de livre « Faces » qui réunira mes principaux portraits de musiciens. L’éditing est aussi une partie qui m intéresse énormément, cela me permet de me remettre en question et d avoir une nouvelle vision sur mon travail de portraitiste.
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Patrick Eudeline

T'arrives t'il parfois d'improviser lors des séances ? Quels sont d'après toi les éléments qu'il faut maitriser pour que le fait d'improviser donne des résultats intéressants ? 

Je dirai que c’est de l improvisation contrôlée car j’aime provoquer les choses. Par exemple, il y a quelques années j’ai eu la chance de photographier Philippe Katerine. Je savais que mon ami graphiste Michael, aka Le Grand Garçon, l’aimait beaucoup, du coup je lui ai proposé de m assister sur la séance. Michael est un graphiste très talentueux. C’était l’époque de la chanson "La banane. Avant la séance, pour rigoler, on avait récupéré une banane et on s’était dit qu'on verrait ce qu'on en ferait une fois sur place, sans trop de conviction. Mais au final, on a fait avec Katerine une image en hommage à Warhol et au Velvet Underground. L’ image est argentique mais la banane est colorisée numériquement par Michael. J aime beaucoup cette image car c est la première fois que la couleur s ‘est introduite dans mes portraits noir et blanc. Je maitrise pleinement  ma lumière, ce qui me permet d improviser sur les attitudes, les cadrages…
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Philippe Katerine
Quelques liens :

Le site de Delphine Ghosarossian : www.delphineghosarossian.com
www.drgroov.com
www.legrandgarcon.com
www.voxpopmag.com

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Rachid Taha
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Et ci-dessus, moi-même, lors de notre première rencontre. C'était lors d'une séance photo destinée à accompagner mon interview dans "Chronique musicale", pour la sortie de mon album "Electric Ballerina". 
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Exotisme et solitude, les "photos-rêves" de Paul Alessandrini

3/6/2016

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Jola Sidi Gallery présente jusqu'au 19 mars 2016 une sélection de photographies de Paul Alessandrini intitulée "Solitudes". 
Journaliste - il fût notamment l'une des plus belles plumes de Rock & Folk, dont on peut retrouver une sélection d'articles dans l'ouvrage "Fun House" paru il y à quelques mois aux Editions Les Mots et le Reste - , écrivain, éditeur, cinéaste, animateur de radio, producteur et photographe, son parcours éclectique, de la fin des années 60 à aujourd'hui, constitue une incroyable aventure aux quatre coins du monde.
Ses photographies témoignent de l'imaginaire poétique de certains êtres issus d'une génération et d'une époque moins hostile qui pensant "et pourquoi pas ?" se bâtirent des existences hors-norme.

Dix-neuf photographies de Paul Alessandrini, dix-neufs impressions, dix-neufs voyages...

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En commençant la visite par le mur de droite en entrant dans la galerie.

Un :
Un homme, la tête enrubannée de jaune et blanc. D’une élégance égale à la profonde mélancolie de son regard, un temple en plein soleil dans le dos.
 
Deux :
Une barque dans la brume, hors du temps. A bord, deux étoffes roses sèchent, se reflètant dans ces eaux mystérieuses au calme infini. Seul mouvement : celui, délicat, des oiseaux.
 
Trois :
Un temple baigné de lueur solaire. Lumière dorée mais néanmoins crue, ombre franche. Une femme regarde intensément à sa droite, peut-être avec une certaine appréhension. Elle est vêtue de rouge et de jaune parsemé de fleurs vertes, blanches et orangées.
 
Quatre :
Une barque sur un lac bleu. Ciel bleu. Sièges peints en bleu dans la barque. T-shirt bleu de l’homme dans la barque. Deux arbres sans feuilles, les pieds dans l’eau, puissants et lumineux. Un conte.
(cette photographie figure sous le titre de l'article)
Cinq :
Une tête de lion peinte sur les roches : « The Flower Forest ». Au dessus, la jungle. A l’avant plan, une femme de profil avec un chapeau rouge, le pas décidé. Exotisme et électricité des couleurs.
Energie dansante de la rue. 
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Six :
Un homme sur le pont, avec sa petite valise. La mer et le ciel d’un été immobile. Tout est suspendu. Comme les pensées de cet homme, peut-être.
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Sept :
Une petite fille sur la plage. Assise sur un muret en pierre. Des rochers, une flaque d’eau. La marée est redescendue. Un petit point rouge : le lien qui retient ses cheveux rassemblées en une longue tresse.
 
Huit :
Un homme assis dans un fauteuil imprimé léopard regarde trois photos de mode en grand format ornant un paravent doré. Lui, porte une chemise blanche, une grosse montre sérieuse. Un jeu de proportions qui évoque le voyage d’Alice de Lewis Carrol. 
Lorsque l’on a l’esprit tourné vers la fantaisie, elle peut surgir à chaque instant.

Neuf :
Des cerisiers dont les fleurs palpitent dans le vent, offrant leurs battements à l’œil de l’homme au chapeau qui les regarde. Eternel printemps, éternel recommencement sacré.
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Dix :
Une petite fille regarde la mer et les montagnes depuis la promenade de l’embarcadère. Bleu clair, vert d’eau, blanc. Une balise, toute proche. Douceur de l’enfance : tout est possible, derrière ces montagnes.
 
Onze :
Un homme en costume attend dans un magasin de voitures de luxe. Celle-ci, sous les projecteurs, est rouge vif. Ses portes sont ouvertes à la tentation, à la sensation. 
Pour lui, ce flamboyant véhicule n’existe pas.
 
Douze :
Des galets gigantesques, une femme cachée sous un chapeau de coton beige qui semble un peu trop grand. Peut-être acheté à la hâte, dans l’euphorie du voyage. Que regarde t’elle face au mur ?
Face à la photographie de l’homme à la montre et aux paravents (« huit »).
Tout est affaire de proportions et – évidemment - de disproportions.
Une apparition ?
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Treize :
Une rue emplie de monde. Chacun dans le leur. Têtes levées, têtes baissées, à droite, à gauche, une main sur la hanche, un homme assis en costume traditionnel…
Ballet contemporain aux danseurs involontaires.
 
Quatorze :
Deux hommes devant une pièce carrelée en damiers noirs et blancs. La figure du père âgé et du mauvais garçon, les cheveux gominés, cinquante ans et toujours pas rangé. Ne se rangera jamais, il faut dire. Un film de Dennis Hopper.
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Quinze :
Grande rue irradiée de soleil. Ciel blanc.
Une femme en robe blanche, dont les volants promettent la danse.
Ici et maintenant.
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Seize :
Mer violette. Ciel violet. Sable teinte de nuit sous la lune.
« Stop ! » : un chien dort, pierrot à quatre pattes au repos.
« Stop ! ». Ici on rêve.
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Dix-sept :
 Un homme en djellaba passe.
Sur le mur est peint un homme en djellaba.
Une ombre fine, comme un trait ou une ficelle, relie le marcheur au haut du mur.
« Il faut de la chance pour prendre des photos » m’avait dit un jour Paul Alessandrini.
 
Dix-huit :

Un homme vend au poids des fleurs parfumées.
Il somnole. Comment ne pas songer, bercé par les effluves des œillets ?
Un rêve orange et chaud, comme un souffle d’été sans fin.
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Dix-neuf :
La plage.
Trois surfeurs courent le long de la mer, leur planche à la main.
Trois ailes blanches que contemple un oiseau solitaire.
Solitudes…
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​Photographies de Paul Alessandrini, issues de l'exposition "Solitudes" 

Texte : France de Griessen

Ces libres interprétations n'engagent que leur auteur, il va de soi...

JOLA SIDI GALLERY
80 rue des Gravilliers
75003 Paris
Téléphone : 00 33 1 40 27 04 04
Horaires d'ouverture : du mardi au samedi de 14h à 19h et sur RDV
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« Smoke », le réel cinématographique d’Aurélie Prissette

2/20/2016

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Interview par France de Griessen
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Pour Aurélie Prissette, la photographie est indissociable de l’aventure humaine.
Ni volées, ni mises en scène, ses images tendres, fortes et poétiques capturent en argentique la magie, le mystère et la beauté du réel et du quotidien. 
Une approche qui prends ses racines dans l’enfance et la transmission : « j'ai pris des photographie dès mes 10 ans grâce à un appareil tout simple que mon grand-père m'avait offert. C'était une sorte de coutume familiale car mon grand-père avait aussi débuté à cet âge, fait exceptionnel à l'époque. J'ai commencé à pratiquer plus sérieusement la photographie au lycée, mais je me suis réellement lancée en découvrant la photographie de scène. Tout à coup, je trouvais ma place... naturellement. C'était ni simple, ni facile  mais c'était "pour moi". »
 
Après avoir travaillé sur des séries photographiques autour du contenu de tes sacs à main, puis de personnes tatouées dans leur salle de bain, tu continues à explorer, d’une autre manière encore, la sphère de l’intime avec « Smoke ». Comment t’es venue cette thématique, et quelle a été la méthode pour réaliser ces prises de vue ?
 
Il y a un "heureux hasard" à l'origine de cette série : je commençais tout juste à prendre des photos avec un appareil ancien - un Rolleiflex - qui me vient de mon grand-père. J'avais besoin de beaucoup de temps pour faire mes réglages de prise de vue et un copain dont je voulais faire le portrait en a profité pour allumer son cigare. J'ai beaucoup aimé ce cliché où il a l'air de se cacher derrière cet écran de fumée parce qu'il m'évoque des clichés des années 50 et même avant - je pense à une photo d'Henri Cartier-Bresson prise à Grenade en 1933. Quand je pense aux portraits photographiques de personnes entrain de fumer, je retrouve les "personnages" emblématiques : des femmes fatales, des cowboys, des voyous...
J'avais choisi de travailler avec ce Rolleiflex - qui n'est pas d'un maniement si facile - alors pourquoi ne pas faire un voyage complet et prendre aussi des photos "années 50" et "clope au bec" ! En plus, les films ne comportent que 12 poses, c'est juste le temps d'une pause-cigarette.
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​On a l’impression que tes photos ont été prises sur un plateau, et que personnes photographiées sont toutes des acteurs/actrices de cinéma, qu’il s’agisse d’un film noir, glamour, intimiste ou populaire …
Qui sont tes modèles et comment as-tu crée cette atmosphère très particulière ?
 
En fait, je n'ai pas voulu créer une ambiance particulière, en installant un décors nostalgique, un noir et blanc cinématographique, par exemple, parce que je veux laisser une grande place à l'imaginaire et la suggestion. J'adore quand quelqu'un regarde un de mes portraits et me raconte une histoire de séduction, de défi, de rêverie...
Mes modèles sont surtout des proches et viennent de tous les horizons, peintre à directrice de labo en passant par fleuriste ou secrétaire. Ils auraient surement été gênés - et peut-être même pas très enthousiastes - de poser pour moi s'il n'y avait eu la cigarette entre nous ! Je leur demande juste si ils veulent bien poser pour moi dans le cadre de cette série. Je ne "vole" pas de photos, nous décidons ensemble d'un rendez-vous, avec beaucoup de liberté puisque nous n'avons pas besoin de matériel encombrant ou de beaucoup de temps. Le fait de fumer semble les placer naturellement dans une bulle, faire écran. Leur geste ne sont pas "calculés", car ils ont l'habitude de ces pauses cigarette, ne pensent pas à "prendre la pause" justement... et je les trouve très gracieux !
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​Sac que l’on remplit et vide de son contenu, travaux d’encre, cigarettes…
Autant de témoignages de notre passage sur terre ayant une dimension rituelle, auxquels beaucoup peuvent s’identifier et que tu photographies avec douceur, tendresse et un profond respect.
Peut-on dire que ta photographie s’inscrit dans une vision humaniste ?
 
C'est toujours difficile de voir les influences sur son propre travail mais "mon œil" a été formé par la photographie humaniste, surement parce qu'elle m'a accompagnée : les livres, les expo mais aussi les posters et les cartes postales. Je suis sensible à cette beauté très quotidienne. La vie n'est pas faite que de moments "admirables". C'est aussi un roman qu'on trimballe au fond de son sac, des moments partagés... Je ne cherche pas à maquiller la réalité, elle n'en a pas besoin. Je préfère échanger avec mes modèles pour trouver les moments qui leur ressemblent le plus.
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​De quels photographes te sens-tu proche dans la démarche et le résultat ?
 
Je parlerai plus d'une source d'inspiration. A l'origine, les photographes humanistes  - Cartier-Bresson, Ronis, Doisneau, Izis, Boubat - et beaucoup de photographes de presse comme Salgado, Depardon, Zachmann... Maintenant, je suis très émue par Diane Arbus ou Nan Goldin et aussi par la part de "révélateur" qu'on peut trouver chez Richard Avedon ou  Annie Leibovitz.
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​Outre les évènements photographiques plus classiques et galeries, tu exposes tes séries dans des lieux publics, de vie en commun : bars, restaurants, librairies, laboratoires… Est-ce un moyen pour toi de renforcer le message de tes images ?
 
Ma première exposition a eu lieu dans la Maison des Jeunes où je prenais des cours... et depuis j'ai exposé dans des lieux très variés ! J'aime les rencontres autour des photographies et c'est plutôt cet aspect que je privilégie.
 
Quels sont tes prochains projets ?
 
Déjà, je vais "poursuivre mes fumeurs"... et trouver d'autres poses !
Et dans une direction tout à fait différente, j'ai retrouvé le chemin du labo-photo en pratiquant le photogramme (une technique qui consiste à déposer directement des objets sur le papier sensible) et j'ai bien envie de poursuivre mes expérimentations.
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https://myspace.com/aurelie_prissette
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A propos de Marjorie Alessandrini...Rencontre avec Paul Alessandrini

6/4/2015

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"Le Rock au Féminin"

J’ai découvert le livre de votre femme Marjorie par hasard, sur le stand d’un bouquiniste. J’ai été attirée par la couverture, mon instinct m’a dit « prends-le », et je l’ai acheté. J’en ai écrit une chronique vous avez lue et qui nous amène à nous rencontrer aujourd’hui, pour parler d’elle… Dans quel contexte  « Le Rock au Féminin », a t’il été écrit ?

Elle n’était ni intéressée par le féminisme, ni fascinée par les rockstars, mais on allait voir beaucoup de concerts avec des filles, comme Blondie par exemple. L’idée est venue à la fois de l’envie de faire connaître ces gens, et de répondre à un besoin économique, car nous avions besoin d’argent pour vivre.

Ce qui m’a frappé dans son livre, c’est qu’elle a réussi ce que de nombreux écrivains aspirent à faire : créer des archétypes… Sous sa plume,  apparaissent de véritable personnages, qui transcendent le sujet même de l’ouvrage, finalement.

C’est tout à fait vrai. Elle a voulu montrer que dans cette explosion du rock, on voyait des personnalités féminines extrêmement diverses se détacher, dont le vecteur commun était d’avoir choisi ce genre musical pour s’exprimer. Que l’on soit fils ou fille de prolétaires, étudiants en école de commerce ou en école d’art, cela importait peu. Le rock était un « attrape-tout », tellement riche qu’il pouvait permettre à des personnes n’ayant rien à voir d’y trouver un mode d’expression.Qu’est-ce qu’il y a à voir entre Chrissie Hynde, Debbie Harry et Patti Smith, ou en Californie, Janis Joplin ? Pourtant, ce qui est extraordinaire, c’est la manière dont ces filles ont su s’imposer sur scène. Joan Jett était incroyable. Une libération extraordinaire. Elles en étaient l’expression parfaite.

Marjorie venait avec moi à tous les concerts de rock, mais elle était dans une autre sphère, celle de la littérature, qui était sa plus grande passion. Elle était faite pour écrire. Il faut dire aussi que nous nous sommes intéressés au rock quand il est devenu « intéressant ». Je m’explique : Chuck Berry et tous les artistes de cette période étaient formidables, mais c’était quelque chose de figé. A partir de 1965, arrivent des gens comme Bob Dylan en électrique, Jimmy Hendrix…Puis avec les années 70, David Bowie, etc…Puis vers la fin des années 70, ça devient moins intéressant. Quand on a commencé à écrire sur le rock, les Doors vendaient en France deux ou trois mille albums. Pour Janis Joplin, l’Olympia était à moitié vide. Ce n’était pas plein non plus pour Jimi Hendrix. Par la suite, tout le monde s’est mis à écrire sur le rock, mais il ne faut pas oublier qu’a l’époque, ce sujet était encore relativement marginal. Nous avions beaucoup de disques qui n’étaient pas distribués en France mais nous arrivaient par l’import en direct des USA. Cela faisait de nous, qui étions parmi les premiers rock-critiques des gens très privilégiés, que tout le monde caressait dans le bon sens du poil. Un article faisait vendre des disques. Ce n’est plus du tout le cas maintenant. Si ça ne passe pas à la radio, ou dans un pub de bagnole – ce que je vous souhaite de tout cœur, ce serait le démarrage tout de suite et je pense que ça arrivera. Regardez pour Kenzo avec Jil Is Lucky. La publicité a fait exploser leurs ventes -, c’est difficile.

On avait demandé à Marjorie d’écrire une suite à ce livre, mais elle était passée à autre chose. Elle est devenue spécialiste de la littérature asiatique, a écrit entre autres sur les designers, a rencontré des créateurs comme Issey Miyake, Kenzo, Christian Lacroix… Mais ce sont les gens de la mode qui l’intéressaient, pas tellement la mode en soi. Les gens, c’était ce qui l’intéressait profondément.

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Une vie...

Vous avez été son compagnon de toujours. Dépassons le contexte de ce livre pour découvrir par votre intermédiaire qui était Marjorie…

Elle est née dans un avion, au dessus du Sahara, ce qui n’est pas banal. Elle avait deux blogs, un sur le voyage (« L'Esprit du Voyage »), et un sur la littérature asiatique (« Impressions d'Asie »). Elle avait des yeux très bridés, et avec sa frange, on pourrait penser qu’elle est eurasienne. Plusieurs lecteurs lui écrivaient en lui disant « Vous qui êtes sans le produit, sans doute, d’un corse perdu en Indochine… ». Son père incarnait le « héros magnifique », il était méhariste, un cavalier avec sa grande cape, une maman toute jeune…Elle a été très heureuse en Algérie, ou elle était fille unique. Plus tard la famille est rentrée en France et sont nés quatre frères et sœurs, avec un écart important par rapport à elle. Ils admiraient beaucoup leur grande soeur. 

Quand je l’ai connu, elle était toute jeune, à peine dix-huit ans. Elle était en khâgne, élève brillante, présentée au concours général, helléniste distinguée. Nous voulions vivre ensemble. Son père m’a convoqué et m’a dit « vous voyez bien qu’elle est très jeune » – à l’époque la majorité était à vingt-et-un ans -, « aussi je pose plusieurs conditions. La première, c’est que vous vous mariiez », - Qu’a cela ne tienne !-, « la deuxième c’est qu’elle termine ses études ». Je lui ai répondu que cela me paraissait tout à fait normal et logique. Ayant répondu favorablement à ses deux requêtes, nous nous sommes mariés à Sainte Geneviève des Bois, la banlieue dans laquelle je vivais à l’époque ou j’étais au Lycée Jean-Baptiste Corot à Savigny. C’était un mariage très sobre, avec nos parents, nos frères et sœurs et deux témoins. Le soir, nous ne ne savions même pas où nous allions dormir. Le début de nos aventures…Elle a terminé son mémoire, a fait un doctorat, puis nous ne savions pas trop comment nous allions vivre, gagner de l’argent. 

J’ai commencé à travailler chez Hachette, je faisais des lectures de presse pour des ministres, ce genre de choses. Ensuite, je suis parti pour le service militaire. Pas loin car je l’ai fait à proximité du métro Dupleix. Etant marié j’étais considéré par la loi comme soutien de famille, ce qui m’a permis de faire un service un peu plus court. Pendant ce temps, Marjorie a enseigné. Les gamines étaient toutes amoureuses d’elle, c’était incroyable. Elle allaient jusqu'à venir frapper à la porte de la maison. C’était un professeur merveilleux, mais ce n’était pas son truc…Après cela elle ne savait pas trop quoi faire, ne voulant pas de cette carrière là. C’est moi qui lui ai donné dans Rock’n’Folk ma première rubrique, celle des livres, deux pages chaque mois. Je lui ai dit « Prends la », puis elle a crée une autre rubrique et a commencé à entrer tout doucement, par la petite porte, dans le journalisme. Elle a ensuite été au Nouvel Observateur pendant vingt-deux ans, elle a terminé sa carrière en étant devenue rédactrice en chef. Elle est passée de l’écriture autour de la musique et la bande dessinée (« Encyclopédie des Bandes Dessinées », aux Editions Albin Michel. Marjorie y a crée la collection Graffiti, dédiée aux auteurs de BD) à la littérature. Ce qui est terrible, c’est que maintenant qu’elle est décédée, j’ai découvert deux romans terminés et deux inachevés. Je vais essayer de les faire publier. 
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Je me demande franchement comment on faisait parce qu’on n’avait pas une thune ! Mais on était prêts à toutes les aventures. En 1969, nous étions au Festival Panafricain d’Alger (festival consacré à célèbrer la culture africaine, avec des artistes venus de toute l’Afrique et des Etats-Unis). Après avoir fait le voyage en quatrième classe sur un bateau, nous sommes arrivés et avons découvert qu’en terme de journalistes français, il n’y avait que nos deux noms, celui d’un copain à moi et le réalisateur William Klein qui était là pour faire un film. C’est tout ! Nous avons été accueillis merveilleusement, nous assistions tous les jours à des concerts formidables, dont la mémorable soirée Nina Simone. Un personnage extraordinaire. Elle est entrée sur scène, avec le président Boumédiène au premier rang et tous les invités, elle titubait, s’est approchée du piano « Ne me quitte pas, il faut oublier…I forgot the words, achetez le record ! ». Ils ont alors lancé Miriam Makeba avec « Pata Pata » et ça a sauvé les meubles... Nous sommes allés à New-York dans les années 70 : nous sommes passés par Bruxelles en car pour y prendre l’avion, au retour il était en panne…Mais nous le faisions. Nous avons eu un petit garçon très vite, deux ans après, j’avais vingt-cinq ans et elle vingt deux. Nous l’avons pris sous le bras, et il a assisté à tous les trucs auxquels on a assisté. Au Festival de Châteauvallon, je le revois près d’un plan d’eau, en train de jouer avec un monsieur corpulent de dos : c’était Charlie Mingus… Il a une nostalgie extraordinaire de son enfance.

Marjorie a fait plein de choses très différentes les unes des autres, toujours en donnant le sentiment qu’elle était en retrait alors que ce n’était pas le cas. Elle était au contraire toujours à l’écoute des autres, rarement en colère, jamais de mauvaise humeur. Si il y avait quelque chose qui la contrariait, elle arrivait à l’effacer par des choses très simples et naturelles. Par exemple elle arrivait ici, se changeait, montait s’occuper des plantes de la terrasse et revenait : tout c’était effacé. Son visage qui était fatigué d’un seul coup était à nouveau lumineux, ses rides étaient gommées, c’était incroyable. C’était une femme libre, mais il y avait toujours le besoin de l’autre, de cette écoute…Tous les gens qui travaillaient avec moi étaient très jaloux de ça...
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Ce que je vis maintenant, c’est que je paye très cher le bonheur que j’ai eu. La souffrance, ce qui nous est tombé dessus est à la dimension du bonheur que nous avons eu.

Nous étions curieux de tout, toujours fourrés à la Cinémathèque, ou on croisait Benoît Jacquot, Miller, Patrice Lecomte,Philippe Garrel et Nico…Nous allions aussi au Festival d’Avignon, nous étions là pour voir la troupe de Julian Beck  ( co-fondateur avec son épouse Judith Malina du Living Theatre), à Antibes, Juan-les-Pins, nous nous déplacions partout dans notre vieille Taunus.

Marjorie a fait une belle carrière. Elle était curieuse, aimait partir dans toutes les directions. Les vingt dernières années, étant au Nouvel Observateur, elle a monté des voyages merveilleux et pendant vingt ans, nous nous sommes balladés à travers le monde pour le journal, elle faisait les textes et moi les photos...Nous avions pour principes d’avoir toujours une bouteille de champagne avec nous pour l’arrivée et de fêter nos anniversaires dans des endroits extraordinaires : Venise, le Japon, le Maroc, le Brésil… Mais c’était aussi quelqu’un qui pouvait se contenter de très peu. Elle était toujours extrêmement élégante, ne sortait jamais sans être bien habillée, ce que je considère comme une forme de respect pour les gens qui vous accueillent.


Elle est morte à presque soixante-huit ans, elle était extrêmement belle, et faisait toujours l’effort de se mettre en valeur. Elle ne pensait pas du tout qu’elle mourrait si tôt, au contraire, elle était persuadée qu’elle vaincrait la maladie et croyait avoir du temps. 

Quand elle est tombée malade, j’étais effondré, et elle me disait  « Ne t’en fais pas, on va y arriver ». Jusqu’au dernier moment, elle a pensé qu’elle pouvait gagner. C’était quelqu’un de très positif. Il y a eu un rebondissement lorsque son médecin nous a montré un article dans le New-York Times ou il était question d’un traitement expérimental pour le type de cancer dont elle était atteinte, nous avons eu à ce moment là un nouvel espoir car soixante pour cent des personnes traitées aux Etats-Unis avaient guéri. Ils voulaient choisir cinquante personnes en France pour un test, et elle en a fait partie. Le premier protocole a très bien fonctionné, avec le deuxième quelque chose n’allait pas. A ce moment là, le cerveau était attaqué, et elle faisait donc partie des quarante pour cent sur qui le traitement ne fonctionnait pas.

 J’ai demandé au chirurgien «  Mais ça marche ce traitement ? » et il m’a répondu « Parfois monsieur, parfois … »

Elle laisse un trou énorme, gigantesque.

Pas seulement pour moi, mais aussi pour son fils.

Nous avons eu une très belle vie, qui aurait pu se terminer beaucoup mieux que ça.  On avait encore tellement de projets, comme toujours, mais malheureusement, voilà…
Les derniers temps elle écrivait beaucoup, notamment un conte magnifique sur Serge Lutens, un vieil ami à nous, que l’on reconnaît dans le personnage de l’alchimiste ; un autre livre intitulé « La Promenade de  Vénus », en hommage à André Breton et au café rue du Louvre qui était son refuge et ou il passait ses après-midis et qui existe toujours, mais sous l’enseigne « La Promenade ». D’ailleurs alors  que j’étais étudiant à l’école de journalisme, n’en croyant pas mes yeux, je l’ai aperçu un jour au fond du café et je lui ai demandé si il était possible de faire une interview et il m’a répondu « Oui, bien sûr. Bien sûr. » Et cela à été une de mes premières expériences…

La veille de l’enterrement, le prêtre m’a dit : « Est-ce qu’elle avait la foi ? ».

J’ai répondu : « Parfois, ma foi… »

Il était sidéré et m’a demandé : « Mais que voulez vous dire par là ? »

Je lui ai répondu : « Et bien, dans tous les pays du monde ou nous allions, parfois, en faisant des photos, je la perdais de vue. Et je la retrouvais toujours dans un temple, dans une église, dans un lieu de recueillement.

Elle était comme ça, rêveuse... »
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Paul Alessandrini a été un l’une des plus belles plumes de Rock & Folk de la fin des années 60 et des années 70. Il a aussi participé à la création d’Actuel, écrit et photographié pour Le Nouvel Observateur, été directeur artistique du Palace, producteur à France Musique et France Culture, et co-réalisé un film sur Bob Marley intitulé « Rastas et Ballon Rond ».
Les éditions Le Mot et Le Reste viennent de publier un recueil d’une sélection de ses articles parus dans Rock & Folk entre 1969 et 1976 intitulé « Fun House ».



Autoportrait par Paul Alessandrini
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Interview et photos, sauf indications contraires : France de Griessen

Un très grand merci à Paul Alessandrini et à Marjorie, quelque part vers le ciel..
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Dans la roseraie de Marjorie et Paul, sur les toits de Paris...
Photo par Paul Alessandrini
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Hommages à Charlie Hebdo et aux deux policiers tués le 7 janvier 2014

1/8/2015

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Un dessin en soutien et hommage.
 
Avec tout mon amour pour la liberté et pour ceux qui la défendent. 

Avec tout mon coeur qui saigne pour vous et avec vous.
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Voici aussi un dessin de Shanka (The Dukes). Nous avons dessiné côte à côte pour rendre hommage aux victimes de cette barbarie.
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Dessins pour tatouages by me...want one ?

12/1/2014

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Certains d'entre vous connaissent déjà mes dessins et aquarelles, que je présente régulièrement lors d'expositions et qui illustrent également les livrets de mes albums.

Vous pouvez voir un certain nombre d'entre-eux dans la rubrique "art" de mon site . 

Récemment, mon amie chanteuse Ysé m'a demandé de lui faire un dessin pour un tatouage. 
Celui ci a été ensuite été encré par Rudy, chez 23 Keller.

Si vous souhaitez que je dessine pour vous un motif de tatouage dans mon style de dessin à apporter à votre tatoueur, contactez-moi pour un devis via mon site ! 

Voici le projet dessiné pour Ysé, et les photos du tatouage réalisé. 
Elle à demandé à Rudy de conserver l'aspect crayon des parties colorées, et il l'a superbement exécuté !

Ces dessins sont protégés par le droit d'auteur et leur reproduction sans autorisation est formellement interdite.
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Dessins et photos : France de Griessen
Réalisation du tatouage par Rude / 23 Keller
Retrouvez également mes photos et mon interview d' Ysé dans le numéro de novembre-décembre 2014 de Tatouage Magazine !
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HOLLYWOOD DREAMS - Une conversation transatlantique avec Emmanuelle Choussy

11/17/2014

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Interview par France de Griessen

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Photographie pour le salon de coiffure Lea Journo à Beverly Hills.


Française établie à Los Angeles depuis trois ans, Emmanuelle Choussy y a photographié entre autres Oliver Stone, Avi Arad (producteur de nombreux films Marvel comme Iron Man, Spider-Man, et X-Men) et Emily Giffin, réalisé de nombreux shootings mode et beauté publiés aux Etats-Unis, en Europe et en Asie et exposé au Pacific Design Center en septembre dernier.

Mobile-home dans le désert, piscine d’un turquoise parfait, chambres luxueuses et chargées que ne renierait pas Tony Duquette, jardin grillagé dans la brume, répliques de colonnes antiques, détails d’architecture, paysages urbains de Los Angeles inondés de soleil, jardins opulents en fleurs… Dans la plupart de tes photographies, on ne peut pas passer à côté des décors, subtiles références à l’âge d’or d’Hollywood sans pour autant être nostalgiques. Comment as-tu constitué cet univers visuel ?

 C’est vraiment drôle que tu parles des décors, car le décor – ou l’absence de décor, est l’élément fondamental dans ma photographie, je dirais même avant la lumière. C’est d’ailleurs souvent le décor qui va enclencher ma réflexion et mettre en branle ma vision d’une séance. Parfois j’ai des idées de photos grâce au décor, avant même d’avoir trouvé mon modèle ou d’avoir une commande !


Tu cites Tony Duquette, dont l’univers historico-glamouro-rococo-Hollywoodien me renvoie inévitablement aux décors « chargés » de David LaChapelle ou plus surréalistes de Pierre et Gilles, artistes que j’admire mais dont je ne me sens pas du tout proche  - et pour cause, il suffit de voir nos travaux respectifs ! Ceci dit j’adore travailler dans ce genre d’univers visuels très « opulents » si la mise en scène autour reste simple. Je me suis rendue compte dernièrement que j’envisageais un peu la construction de mes images comme celles des peintures classiques, avec une lecture facile de l’image, un sujet bien visible quel que soit le décor. J’avoue que ce « style » là, c’est peut-être le mien.

Un décor urbain, puisque tu en parles, duquel je pense avoir assez isole mon sujet pour qu’il devienne malgré tout le centre de l’attention :

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Mais j’insiste, parfois l’absence de décor fait partie intégrante de mon image aussi, en extérieur surtout.
Un exemple de « non-décor », avec cette photo de ma muse Lola, danseuse et chorégraphe du Cabaret Versatile, que j’aime beaucoup :
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Tes images sont toujours très soignées, dans les poses comme dans le stylisme, le maquillage et la coiffure. Rien ne semble laissé au hasard. On pourrait penser à la photo de mode des années 50, impression renforcée par certains thèmes que l’on retrouve dans tes photographies : la pin-up, le petit marin, l’actrice en robe du soir, la show-girl en corset pailleté… Une décennie reconnue pour son élégance dans le domaine de la mode comme de la photographie, élégance qui lui a permis de traverser les époques. Pour moi, l’élégance n’est pas du tout futile ni superficielle, au contraire, elle peut être chargée de sens, dégager une puissance aussi… J’ai le sentiment qu’elle est importante dans ton travail. Peux tu m’en parler ?


L’idée que tu trouves mes images élégantes me plait beaucoup. On m’a fait remarquer lors de mon vernissage au Pacific Design Centrer que c’était le fil conducteur de mon travail. Ca doit être tout a fait inconscient alors… 
Comme ici peut-être, avec la chanteuse Eden Xo, pour le salon de coiffure Lea Journo à Beverly Hills. La série s’appelle Nasty Dolls tout de même, mais en y regardant de plus près, c’est vrai qu’elles sont quand même plutôt élégantes ces vilaines poupées !
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Pour répondre à ta question, oui, une photo posée, préparée, élégante et mise en scène peut parfois être un peu plus profonde qu’une photo « porte-manteau » de catalogue, jolie mais purement commerciale. Tu peux faire, je pense, de la photo dite « de mode » qui a du sens. J’aime beaucoup Mario Testino pour ça. Je trouve le rendu de ses images globalement « simple »  - il n’y a rien de péjoratif dans ce mot -, ses sujets sont toujours valorisés, jolis décors et/ou jolie lumière, lecture facile, ça fonctionne et ce n’est ni plat ni lassant.

Je fais de mon mieux pour donner du sens à mes images, j’espère que j’y arrive de temps à autre. Les gens aiment beaucoup cette photo totalement surréaliste, qui pour moi raconte une histoire, à la fois professionnelle et personnelle, que personne ne doit comprendre évidemment. Mais si le retour est si bon, alors c’est que d’une certaine manière « elle parle »… 

Et puis doit-on toujours absolument tout expliquer ?
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Parfois l’élégance est juste simplicité :
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Pour arriver à obtenir ces images élégantes qu’on a en tête, il est important de se reposer sur une équipe de professionnels avec qui la connexion se fait très vite. Sans mon équipe de choc je ne serais pas capable de produire certains photoshoots et l’élégance serait toute relative !

Tu mets en scène les personnes que tu photographies – mannequins, acteurs et actrices, écrivains, réalisateurs, etc…- et en même temps, beaucoup de fraîcheur se dégage de tes photographies. Dans quel climat travailles-tu pour obtenir cela, sachant que cette élégance dont nous parlions requiert forcément un certain contrôle ?

Il y a toujours un savant mélange de « contrôle » et de spontanéité sur mes séances. Sûrement parce que je suis spontanée  - bien moins qu’à une époque mais tout de même. Les gens me qualifient souvent de « naturelle », « fraîche », « sympa ». J’aime discuter et plaisanter, mais je sais me taire quand mon modèle n’aime pas les photographes bavardes – cela arrive. J’ai du mal à travailler si l’ambiance n’est pas propice à des moments de rires ou de relâche. Souvent entre deux sessions plus tendues ou je suis très focus sur ce que je veux, quitte à passer 30 minutes sur la même séquence pour obtenir une seule photo, je dois me sentir libre de sortir ma petite vanne ou de papoter avec les gens qui m’entourent. Je ne sais pas si je ferais du bon travail dans des ambiances trop « coincées ».
Est-ce que tout ça se voit sur mes photos ? Là ce n’est pas à moi de le dire. 

Ta manière de photographier les femmes les présente sans exception comme dégageant une certaine force. Même dans tes photographies les plus romantiques, cette force est toujours présente. Penses-tu que ta personnalité leur permet d’exprimer cette part d’elles-mêmes ? Que tu les guides vers cela ? Ou bien que le hasard ou le destin mets sur ton chemin des femmes d’un certain type ?

Sans doute encore un savant mélange de tout ceci à la fois ?

Tous mes « sujets » féminins ne sont pas des femmes fortes, je ne pense pas - il faudrait que je passe en revue 10 ans de photographie. Ta remarque est très pertinente et je pense que je vais avoir besoin d’y réfléchir un certain temps avant de te proposer une réponse honnête… Pour certaines c’est inévitable, elles ont du tempérament et une histoire personnelle qui se voient dans leurs yeux. Pour d’autres c’est moins évident et je ne pensais pas « les avoir rendues fortes », mais maintenant que tu l’évoques…

 Marie est une femme forte, et on le devine même si elle ne regarde pas l’objectif.
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Ilona… je la connais encore trop peu pour l’affirmer, mais cette jeune femme a une prestance impressionnante, un charisme de comédienne. Ce portrait d’elle la montre t’il « forte » ?
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Maddison est une femme forte… mais j’ai du mal à la percevoir comme telle sur cette image plutôt « romantique » comme tu dis… Moi je ne vois que son regard nostalgique.
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Bref, cette question mérite plus ample réflexion ! Merci de l’avoir posée.


Il y a un terme qui revient souvent, quand tu parles de ton travail, qui est celui de « savoir-faire ». C’est une belle expression, qui dépasse la formation que l’on à pu avoir – académique, sur le tas, autodidacte, de père en fils, etc…- et qui met l’accent sur « ce qu’on sait bien faire », ce pour quoi nous sommes ici, finalement.
Il y a une chanson country de Marty Stuart, « Same Old Train » que je cite souvent car je la trouve très juste qui dit :
« Bring what it is you do /'Cause that's how you'll be remembered / when you're travelin' days are through »…  Si tu devais décrire spécifiquement ce qui constitue ton savoir-faire, ce fameux « what it is you do » en tant que photographe, que dirais-tu ?

« Laisser une trace », c’était ma ma première obsession : j’avais 8 ans et je voulais écrire des poèmes plus longs que ceux de Victor Hugo - que ma mère lisait à l’époque - « pour qu’on se souvienne de moi ».
Alors peut-être qu’inconsciemment je fais aussi des images pour qu’elles « restent », mais je précise que je n’ai absolument pas une haute estime ni de moi ni de mon travail ! N’ayant jamais étudié la photographie autrement qu’en posant jadis pour de gentils photographes qui répondaient a mes questions techniques, j’ai connu des débuts très modestes derrière l’objectif. Modestes dans le sens où j’ai mis du temps avant de soumettre mes premiers  - horribles - clichés à la critique, et encore plus de temps avant de me prétendre photographe : peut-être deux ou trois années de pratique acharnée silencieuse où je prenais mon entourage comme cobaye. Si je dois être reconnue un jour, je veux que ce soit par la qualité de mon travail, et non par mon nombre de followers sur Twitter ou parce que je connais le cousin du promeneur du chien de Madonna ! Enfant, j’entendais toujours parler de mon père comme d’un « bosseur, très doué comme kiné, très sociable et généreux dans son travail », pas comme d’un homme « chanceux » ou « bien connecté ».  En tout cas ses connections découlaient directement de ses activités. Avoir étudié la communication et avoir eu un papa très expansif font qu’à ce jour je suis moi aussi plutôt bien connectée, mais je serais si triste qu’on se rappelle davantage de mon réseau que de mon travail photographique ou autre d’ailleurs. Ma mère aussi m’a toujours appris à me battre, me dépasser, recommencer après l’échec, elle m’a appris a lire avant mon entrée en CP et je sais que tout cet apprentissage jeune m’a bien servi par la suite dans mes études universitaires et encore aujourd’hui.

Lors de mes débuts dans la photo je me suis pris des critiques plein les dents  - je n’écoutais que les constructives ! -  qui m’ont aidée à m’améliorer et à vraiment devenir photographe. J ‘ai appris seule, à faire des images, à manipuler le matériel dont j’avais besoin pour les réaliser, et je continue d’apprendre sur chaque séance, comment réaliser concrètement les images que j’ai en tête. C’est en apprenant, lentement et humblement que j’ai acquis le savoir-faire pour éclairer mes « femmes fortes », jouer avec les décors, diriger des auteurs de best-sellers, mitrailler pendant un reportage. Il est important pour moi de réussir en utilisant ses compétences, et son cœur.

Pour terminer je dirais que si tu ne possèdes pas de savoir-faire dans ton domaine de prédilection, tu ne peux pas t’amuser à en « contourner les règles » pour créer autrement, déconstruire, inventer. Tu pourras faire illusion un certain temps, mais même si tu es « bon commercial » tu ne pourras pas tricher ad vitam aeternam auprès des gens qui te pensent qualifié. Posséder un savoir-faire c’est sans doute être légitime a mes yeux, peu importe comment il  a été acquis.

Je ne sais pas si ça répond correctement à ta question...

Je voulais juste te montrer cette photo que je trouve apaisante… Le corps si pur et doux se confond avec la pierre si rugueuse, taillée par les millénaires. Lequel des deux sujets, humain ou minéral, est le plus chargé d’histoire ?
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Le site d'Emmanuelle Choussy : www.emmanuellechoussy.com
La prochaine exposition d'Emmanuelle Choussy aura lieu en janvier 2015 à l'Alliance Française de Los Angeles
ALLIANCE FRANCAISE
10390 Santa Monica Boulevard,
Suite #120,
Los Angeles, CA 90025

Phone: 310-652-0306
Fax: 310-652-0338
Business Hours :
Monday-Thursday: 9.00am-8:00pm
Friday & Saturday: 9.00am-4:00pm
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Soirée Close, Paris 26 juin 2014

7/8/2014

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"Soirée Close " organisée par Burlesque Babylone et Les 3 Salons, Saint-Germain des Prés, Paris.
Photos : Michel Gonzalez 
www.francedegriessen.com
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Mon portrait érotique d'Etienne Daho dans Longueur d'Ondes n°72

7/6/2014

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Paru dans Longueur d'Ondes n°72 - Juillet 2014

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Dans ce numéro également, ma chronique de "Sexe, Drogues & Rock'n'Roll" de Jean-Eric Perrin

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Pour découvrir l'intégralité du magazine, deux possibilités :
- soit la version papier
- soit l'excellent site web du magazine : www.longueurdondes.com


AND NOW SOME GREAT MUSIC !!!!

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Mon nouvel usage de Fesse - Bouc

6/14/2014

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Chers amis,

Comme vous le savez, je ne porte pas FB dans mon coeur.

Je trouve que c'est un "réseau social" qui vise a envahir toujours plus la vie privée de tout un chacun, que les gens y passent le plus de temps possible, et qui entend imposer ses règles de censure comme une loi ( un téton féminin - parce que masculin c'est ok, vive l'égalité !-  on ne peut pas montrer, mais des pages incitant à la haine contre les homosexuels, des vidéos de décapitation, des pages faisant l'apolologie de la violence envers les animaux, tout ça, c'est welcome dans leur royaume !).

A titre personnel par exemple, je ne peux pas poster ma pochette d'album, réalisée par Richard Dumas, sous peine de voir mon compte bloqué. J'avais donc écrit ceci. 

J'avais initialement prévu de fermer mon compte ce week-end.

J'ai été surprise de recevoir de nombreux messages me demandant de ne pas le faire, de la part de personnes qui appréciaient ce que je postait, de ma musique et photos de concerts à mes posts politiques et culturels et mon action pour aider les animaux.

J'ai été touchée par ces messages.

Alors, j'ai cherché une solution.

Il y aurait-il moyen d'utiliser Facebook AUTREMENT ?

Et j'ai trouvé une solution. 

J'ai presque terminé de vider mon compte de son contenu posté directement sur FB.

Puisque FB ne me laisse pas ma liberté d'expression, je n'y mettrai plus rien. 

Plus rien directement.

Et désormais, je ne posterai plus que des liens pointés vers mon blog ou mon site, ou je suis libre de m'exprimer et de poster ce que je veux sans censure, et sans devoir obéir à des régles que je trouve sexistes, déplacées et immondes.

Qui plus est, je serai libre de choisir ma présentation !


Vous pourrez recevoir mes news de concerts, clips et videos live, expos et évènement artistiques et un contenu exclusif réservé aux abonnés en vous inscrivant à ma newsletter ici.

Sur ce blog vous trouverez également des photos, des vidéos, des aquarelles, des articles sur les différents sujets que je postais sur FB.

Et sur mon site bien sûr , vous trouverez aussi mon actualité musicale et artistique, et des extraits à écouter.

Voyons ce que donne cette méthode...

LOVE & ROCK'N'ROLL !!!

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