Samedi j’ai vu le film de Leos Carax HOLY MOTORS avec le magique Denis Lavant - un acteur de la trempe de Laurent Terzieff, comme lui, un poète au service des poètes- , qui joue d’ailleurs dans un autre de mes films cultes « Mona et Moi » de Patrick Grandperret, avec Johnny Thunders.
HOLY MOTORS ne ressemble à rien de déjà vu ou déjà fait, c’est un chef d’œuvre du cinéma : un film qui ne pourrait pas être autre chose qu’un film, et dont la magie tient du fait qu’il ne pourrait ni être une pièce, ni une peinture, ni une musique, ni un roman. Et que rien ne saurait mieux le raconter que la matière filmique et sa poésie propre. C’est une expérience dont on sort transformé, et qui n’a rien d’intellectuel, ne nécessite aucune références ni connaissances, un voyage pour qui peut se laisser emmener. Une expérience transformative mystique.
Avoir vu ce film m’a donné envie d’écrire sur ma famille, celle des artistes. Au monde dans lequel nous vivons, que nous ressentons, que nous vivons et pour lequel nous sommes prêts à tout endurer. Car souvent cela intrigue, je remarque.
Pourquoi tous ces sacrifices, ces vies difficiles, sans aucune garantie de quoi mettre des légumes sur le feu ? Et j’ai eu envie de l’expliquer.
Le monde dans lequel je vis est merveilleux, magique, cruel, extraordinaire, déchirant, effrayant, déstabilisant, déracinant, fascinant, mystérieux, joyeux, fantaisiste, lumineux.
J’y suis accro plus qu’à toutes les drogues et j’en crèverai plutôt que de me désintoxiquer de ma vocation.
Nous sommes peut-être des va-nus pieds sans le sou, mais nous sommes aussi des princes dont le royaume s’enrichit et s’étend depuis les siècles de siècles par la contribution des artistes qui nous on précédés et qui nous survivront.
Si nous endurons tout pour notre art et notre vocation, croyez-vous que nous sommes fous ? On le dit souvent des artistes. Mais, pour moi, ce royaume que j’ai vu dès mon plus jeune âge, j’ai su que c’était mon endroit, ma place.
L’art ne me guérira pas. Ni mon regard sur la vie, ni mes chansons, mes spectacles, mes poèmes ou cette petite fleur autour de mon cou.
L’art n’est pas une thérapie, un exutoire magnifié de l’univers intérieur sûrement, ça oui.
L’art ne te permettra pas d’être moins seul, il ne peut se substituer à un compagnon ou à un ami. L’art est indispensable comme l’air a celui qui a vu le royaume.
Et jouer ou faire un film, ou un dessin, c’est montrer l’intérieur de son âme, et comment on à arrangé les choses là-dedans, avec rage, avec ce qu’on peut, avec amour, avec intégrité.
Sais-tu ce qu’il en coûte de rêver ?
Et pourtant…
Et pourtant…
Et pourtant…
France de Griessen
15 juillet 2012
« Je continue comme j’ai commencé : pour la beauté du geste. » Holy Motors